Biographie | Victor Perceval, pseudonyme d’une femme qui signe ses lettres privées Marie de Fernand, appelée aussi par Dumas Fernande ou Mme Fernand (Bagnères-de-Bigorre, 1835- 1887). Sans doute vint-elle proposer pour Le Mousquetaire des traductions de l’anglais, que, séduit par la traductrice, Dumas accepta. À partir du 3 août 1856, le journal imprima les Mémoires d’un jeune cadet, d’après Adventures of a Younger Son, de Edward John Trelawney; puis, à partir du 21 août, Un courtisan, imité de l’anglais. Après la fondation du Monte-Cristo, il faut sans doute lui attribuer la traduction de Harold ou le Dernier Roi des Saxons, d’après Bulwer-Lytton; il semble qu’elle ait ensuite participé à la rédaction de Les Baleiniers, écrits à partir des notes du docteur Félix Maynard (La Presse, 23 mars-4 mai 1858). Le 30 avril 1858 commence dans Le Siècle Mémoires d’un policeman. Esquisses de mœurs anglaises, traduites et arrangées par Victor Perceval, d’après Stories of a Detective de C. Water. Dumas la recommanda aux directeurs de journaux et à ses éditeurs; il fit la préface de sa traduction d’Ivanhoé (3 février 1860), puis signa Robin Hood, le proscrit, d’après Robin and Little John, or the merry Men of Sherwood Forest de Pierce Egan (1865-1866). Semble lui avoir donné une fille, Alexandrine (voir Quid de Claude Schopp, in Alexandre Dumas, Mes Mémoires, éd. Bouquins, t. II, p. 1307-1308). Victor Perceval se consacra ensuite, avec un certain succès, au roman, donnant chez Cadot: Un amour de czar. Béatrix Orsetti, 2 vol., 1859; Une femme dangereuse (avec Louis Desnoyers), 1864 ; Béatrix-Blanche, 1866; La Châtelaine de L'Hermitière. Deuxième partie de : La Plus laide des sept, 1865; Un excentrique, 1866; La Contessina, 1867; La Pupille du comédien, 1869; puis, chez Dentu: L’Ennemi de Madame, 1869; Un drame judiciaire. La Marquise de Douhault, 1872; La Fille naturelle, 1873; Scènes de la vie de province. Monsieur le Maire, 1873; Le Secret du docteur, 1874; Regina, 1874; Le Roman d'une paysanne, 1874; Dix mille francs de récompense,1875; La Dot de Geneviève. Le Crime d'Aurélien, 1877; Les Feux de paille, 1878; La Maîtresse de M. le duc, 1879; Les Vivacités de Carmen, 1879; Une chanoinesse de dix-sept ans, 1882; Une date fatale. Lise. Le premier amour de Titien. Les héroïnes de Mortagne, 1883; Berthe Norvaux, 1885; enfin, chez Delagrave: Le Panier rose, 1885; Denyse, 1886; La Poupée de Suzanne, 1886; Les Rêves de Julie, 1887; Rose et Valentine, 1887.
Le 20 août 1888, la fille de Marie de Fernand, Alexandrine, adresse à Alexandre Dumas fils une lettre désespérée: “Votre père est le mien, voilà mon seul titre auprès de vous [...] J’ai tant aimé mon père tout en ne le voyant que rarement; c’est en son nom que je vous dis: secourez-moi.” Elle ajoute que, depuis l’âge de 18 ans, elle s’est toujours “suffi” en donnant des leçons (depuis plus de sept ans) et que désormais on la trouve “trop vieille”: elle aurait donc vingt-cinq ans en 1888. Grâce à l’adresse portée sur la lettre: “19, st Ann’s villa. Notting Hill, on peut supposer qu’elle est institutrice dans une famille anglaise. Voir aussi lettre de Victor Perceval à Michel Lévy:
“Monsieur, je suis très malade depuis deux mois, on me transporte demain à La Varenne. Cet état de souffrance m’a empêché jusqu’à ce jour de voir Madame Maynard -- Voici l’autorisation nécessaire à la vente des Baleiniers. Si vous êtes encore dans l’intention de joindre aux oeuvres de Dumas ce roman publié dans La Presse sous le titre -- Voyage aux terres antipodiques. Journal du docteur Félix Maynard, rédigé par A. Dumas, veuillez avoir la bonté de réunir les deux autorisations. Vous avez celle de Dumas, à ma première sortie j’aurai l’honneur de me présenter chez vous.
Si vous le voulez bien, Monsieur , dans ma part qui est la moitié du prix de vente, je ferai une large brèche en faveur de ma petite bibliothèque.
Merci une fois encore, Monsieur, de vos bontés pour moi, j’ai été en danger, je suis encore bien malade; mais grâce à votre bienveillance, mes souffrances, celles de ma pauvre Alexandrine qui a été très malade ont eu tous les adoucissements nécessaires.
Veuillez agréer, je vous prie, Monsieur, l’hommage de ma bien vive gratitude Marie de Fernand
Pardonnez-moi ce griffonnage. J’écris de mon lit.”( [Paris, 30 juin 1860]; anciennes archives Calman-Lévy).
C’est vraisemblablement pour elle que le 29 décembre 1868 Dumas demande des secours au
président de la Société des Gens de lettres:
“Mon cher confrère
Je m’adresse à vous pour une chose de coeur. Notre camarade Desnoyers a vécu douze ans avec une jeune Anglaise, institutrice de son état et que j’ai connue pour quelques traductions qu’elle m’a faites. Il est mort [le 17 décembre] et l’a laissée avec un garçon qui comme tous les orphelins de la littérature est moitié à elle moitié à nous.
Que faire.
Voulez-vous bien d’abord proposer à la Société un secours pour la mère -- Je n’ai pas grande influence sur nos jeunes camarades, dont me rapprochent mes sympathies mais dont m’éloigne mon travail -- ce secours je l’appuie de tout mon pouvoir.
Puis ne pourrait-on pas faire une souscription entre nous.
Dans ce cas mettez mon nom en tête non comme plus donnant -- mais comme doyen de ceux qui dans toutes les occasions donnent ce qu’ils peuvent.
Dites à mes jeunes confrères que je n’oublierai jamais la façon dont ils m’ont reçu chez Lemardeley à mon retour de Naples -- je voudrais avoir les trois cents bras de mon ayeul Briarée -- pour les serrer tous ensemble contre mon coeur. Bien à vous cher confrère Alex. Dumas.”
(Lettres et manuscrits autographes. Documents historiques. Archives d’Edouard Montagne, délégué de la Société des Gens de lettres, vente du 18 novembre 1996, Hôtel Ambassador, n°145, papier bleu, carreau rectangulaires, 2 p. in-8°)
La lumière est loin d’être faite sur cette collaboratrice de Dumas.
Notons que, sous le titre: Mémoires d'un gentilhomme corsaire, les éditions Phébus ont réimprimé la traduction par Victor Perceval des Adventures of a younger son (préface de Michel Le Bris, 1988). |